Dans les années 1840, la Diète de Rhénanie vota une loi pénalisant le ramassage de bois morts par tout un chacun dans les forêts domaniales. Les effets furent nombreux dont celui de l’expansion de la norme capitaliste dans les contrées dont on a dit qu’elles étaient les plus reculées d’Europe (enfin, ceux qui tenaient ces propos étaient corrélativement tout aussi éloignés que les contrées Rhénanes susnommées). Les lois mettaient fin à plusieurs siècles d’une coutume qui permettait au peuple de se chauffer l’hiver à moindre coût. Le jeune Karl Marx fustigea cela dans des articles encore aujourd’hui étudiés par les juristes et philosophes. On sait rarement en revanche qu’elle entraîna la fin d’une activité estivale tout aussi ancienne : la pratique de la suspension des fagots de bois morts non consumés.
J’essayerais de restituer par écrit le plus justement possible cette occupation esthétique populaire : au cours de balades en forêt, en groupe ou en bande, c’est selon, - et alors que les discussions vont bon train (les premières lignes ferroviaires métamorphosaient déjà le paysage rupestre) - des personnes s’abaissaient bras ballant, jambes tendues, et ramassaient le bois mort au sol. Puis, ils amalgamaient ces éléments épars en un tout solidement relié comme l’on savait faire alors pour tenir un fagot entier. Les fagots ainsi assemblés étaient ensuite suspendus aux arbres eux-mêmes, mais aussi aux réverbères des villes ou aux potences, à l’aide de cordes ou autres matériaux. L’inspiration était maîtresse dans ces instants de pure esthétique, les goûts étaient nombreux et s’exprimaient plus ou moins librement.
C’était une coutume insolite vouée à surprendre le regard des promeneurs attentifs. Aussi, il était autorisé à ce que les participants dénouent ce qui avait été préalablement noué, décomposent à nouveau les fagots déjà constitués, remélangent les entités selon leurs goûts et leurs opinions et hissent une fois de plus où bon leur semblait élever semblables objets.
Des réactions en chaîne avaient lieu, des suspensions et des dé-pendaisons de fagots de bois morts non consumés s’opérant durant l’été. En automne, le bois était brûlé et réchauffait alors le corps des participants frileux.
Le régime juridique n’a pas beaucoup évolué sur ce point depuis. Cependant, nous autorisons, par exception, cet affouage esthétique et la liberté de composer de toute pièce des paysages d’éléments épars, suspendus ou non, selon l’inspiration populaire.
Il conviendra donc de :
assembler; désassembler; réassembler; nouer; dénouer; renouer; suspendre; hausser; surélever; abaisser; effondrer; indexer; séparer; déposer; compiler; arranger; mélanger; intriquer; enchevêtrer; solidariser; imbriquer; agencer; conjuguer; exhausser; renchérir; majorer; accrocher;
on pourra lire : affouage