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J’ai voulu tester la plasticité d’une idée, d’une idée complexe, je crois. Une abstraction tout en enchevêtrement, en agencement. Des choses mises en rapport avec des évènements, des phénomènes imbriqués les uns avec les autres, tous ensemble solidairement reliés. Des objets et des sujets, des humains et des non humains, des multitudes qui dépassent la somme des éléments composites et hybrides. Une démultiplication hallucinée de choses et d’êtres qui s’agencent par millier. J’ai cherché à rendre plastique cette idée. Je crois n’avoir pas très bien su la cerner, sa substance si je puis dire. Le peu d’éléments qui lui donnent sa consistance, ces petits bouts de langage qui exprimerait son essence. Il y a des superpositions, des plis, des invaginations, de multiples emboîtements, enchevêtrements, agencements et en même temps du mouvement. Une dynamique hasardeuse d’entités éparses et hétérogènes. J’ai voulu tester la plasticité d’une idée. Si cette idée était une image, ce serait le trait qui unit deux lettres espacées. L’interespace qui matérialise le vide entre deux objets pleins. Un inter qui pourrait se métamorphoser en fil. Fil qui relierait les choses, les êtres, les sujets et les phénomènes, tout ensemble. Une pelote de fil qui nouerait inextricablement tous ces composites, tous ces hybrides. Un vide pourtant. Cependant, ce vide en négatif forme un plein, et inversement ce qui environne ce vide s’efface. Je ne sais pas effacer les choses. Je réussis simplement à les agencer les unes avec les autres, à modifier leur identité, leur matérialité. Les fragmenter et créer d’autres unités différentes. De petites découpes, de grandes césures, d’astreignantes compressions, d’innombrables brisures, des étirements pas possibles. Un ensemble de techniques qui altère la matière de ce sur quoi j’ai choisi de jeter ma colère. J’ai voulu tester la plasticité d’une idée. La plasticité de ce vide qui s’avère aussi être un plein. Si seulement je réussissais à effacer les phénomènes, les évènements, les récits, les choses, les êtres, les objets et sujets qui l'évitent autour de ce vide, de ce plein. Et comme je ne les efface pas, alors je me résous à les enchevêtrer indiciblement. Je m’applique à percer cette matière résistante, à la désintégrer totalement, l’effriter jusqu’au bout jusqu’à ne plus même la différencier convenablement. Je m’amuse à superposer des entités, à en proposer des agencements originaux, y intégrer de l’humain. Tout est mêlé, imbriqué, noué, embrouillé. J’ai l’impression qu’il s’agit d’une lutte, d’humain à non-humain. Il existe une certaine animalité dans tous ces gestes, à l’évidence. On y trouve même du minéral, du végétal, du fongique, du virtuel, du chimiquement éprouvé. Tous les êtres, les objets, les faits, les sujets, les phénomènes, les évènements, les choses, tout ceci bien solidement ensemble, et puis je brise, je défais, recompose, réagence, entremêle, continuellement. J’essaye également à inventer des courbes de tout cela, des droites, du concave et du convexe, des pleins et des vides, des volumes et des surfaces, des masses et des creux. Je passe d’une géométrie élémentaire à une brisure sauvage, d’un monochrome à un camaïeu subtil. Des contrastes de matériaux, de couleurs, de textures, de poids, le tout à chaque fois remanié, recomposé au rythme du combat qui s’opère. J’ai cherché à rendre plastique une idée. Une idée qui m’échappe encore. Ce vide qui s’avère être un plein. Ce vide sans qui, je sais, tous ces pleins existants ne seraient pas. Et je m’avoue vaincu, mis en échec par une force inconnue. Un vide qui réussit à faire se superposer les choses les unes avec les autres, à les faire s’imbriquer les unes dans les autres. Un agencement infini d’êtres et d’évènements, une imbrication sans fin d’objets et de phénomènes, un entremêlement dynamique de sujets et de choses, de réalités et de fictions, de virtuels et d’imaginaires, de vécu et de potentiel. Ce vide qui est un plein, ce trait d’union qui fabrique les rapports inextricables, qui lie, qui plie et invagine les éléments sur eux-mêmes, en eux-mêmes, avec eux-mêmes. J’ai voulu tester la plasticité d’une idée.

Partie i : une fin.
Partie ii : un début.

Ce vide qui est un plein. À chaque instant, je fais l'expérience de cette réalité qui n'a pas de substance matérielle visible. Plus exactement, nous faisons l'expérience en commun de ce trait d'union qui relie le vivant. Un noeud agençant des évènements et des phénomènes, des sujets de droit, de l'humain, et des objets de droit, du non-humain, des êtres et des choses. Un fil invisible à l'oeil par lequel s'opère la construction des entités éparses, ces amalgames hybrides. Je crois pouvoir dire autrement: un avec. Ce "avec" qui unit les phénomènes et les êtres, les faits et les représentations, le sujet comme l'objet du vivant. Il y a ceci et il y a cela c'est-à-dire qu'il y a ceci avec cela. Et il y a encore un autre ceci menant à un autre cela, un autre ceci avec un autre cela. Une chose avec un sujet, un objet avec un évènement, avec un phénomène, avec l'imaginaire, avec de multiples imaginaires, de multiples choses, de multiples fictions et réalités, d'innombrables croyances qui s'accouplent avec d'autres innombrables croyances. Ce vide qui constitue un plein, cet "avec" dont je n'ai su que dire l'expérience que j'en ai, ce savoir intime sans lequel tout savoir ne pourrait advenir, cet "avec" sans lequel il ne peut y avoir d'expérience du tout. Pas d'expérience du vivant alors ? Pas de vivant du tout ? Un vide substantiel dès lors. J'ai voulu tester la plasticité d'une idée. Concrétiser ce qui autorisait l'encastrement des choses les unes avec les autres, des évènements et des phénomènes, les agencements et imbrications des innombrables réalités, fictions et croyances, les imaginaires s'emboîtant avec les sujets et les objets, un tout hybride inextricablement relié. Un ensemble impossible à séparer. Cet "avec", ce vide c'est-à-dire ce plein. L'essence sans laquelle le monde ne se composerait pas. Ce principe dynamique d'agencement, d'imbrication, d'encastrement, d'accouplement des entités les unes avec les autres. Une force alors ? Une attraction ?